De La Vague à La Conspiration Positive : mon parcours
Nous sommes en 2011. J’ai 19 ans. J’écris toujours régulièrement sur mon Skyblog « ary666 ». Depuis l’âge de 13 ans, c’est une de mes activités principales.
Le 26 novembre 2011, j’écris :
Projets
Fonder une association nommée « créer pour exister » (ou autre nom).
Ouvrir un café « littéraire » :
- Point de rendez-vous des membres de l’association.
- Ouvert à tous dans un but de partage, d’échanges, de débats.
- Ouvert aux pauvres et SDF : boissons chaudes et collations gratuites (et chaleur humaine gratuite).
- Lieu d’actions et d’interactions : Salle d’exposition, lectures, spectacles, concerts, conférences, témoignages, débats, théâtre, projections cinématographiques, reportages, etc.
- N’importe qui peut prendre la parole et raconter ce qu’il souhaite (faire part de son expérience, de sa vie, de ses rêves, raconter un voyage, etc…).
Nom du café : « Le café du cœur et des artistes », « le café du cœur », « le café des artistes », « le café des arts », « Cœurs et âmes », « le café d’Ariane » (bon, à éviter, peut-être…), « le café de la Vie »…
Implantation : Avignon.
Rassembler des artistes, des personnes engagées, des êtres créateurs :
- Ecrivains : écrivent. Textes engagés, fiction, prose, poésie, témoignages, récits, introspections, romans, nouvelles…
Moyen de diffusion : Livres. Blogs. En exposition dans le café (à encadrer). Lectures au café, lectures dans la rue.
- Musiciens : jouent de la musique.
Diffusion : dans le café. Dans la rue.
Recherche parallèle : chanteurs. Compositeurs de chansons.
- Cinéastes : réalisent des films. Fiction, reportages, vidéos, interviews, etc.
Diffusion : café, cinémas, médiathèques, bibliothèques…
- Recherche parallèle : acteurs.
Journalistes pour les interviews.
- Dessinateurs, photographes, peintres : Dessinent, photographient, peignent.
Diffusion : expositions murales dans le café (et tout autre endroit où on voudra de nous…)
- Plasticiens : productions plastiques.
Diffusion : café.
- Intellectuels, penseurs, philosophes, sociologues : en communication avec les artistes (et entre eux), animent les débats et conférences, trouvent des sujets à aborder, etc. Chacun peut apporter quelque chose même s’il ne produit rien concrètement, à part des idées.
Diffusion : café.
- Voyageurs, rêveurs : voyagent, rêvent.
Diffusion : Récits écrits, photos, prise de parole au café.
On recherche aussi éventuellement des cuisiniers pour faire la cuisine dans le café.
Actions dans la rue :
- Free hugs
- Imprégner des messages dans le béton
- Jeter des bouteilles à la mer (à la mer, pas dans la rue)
- Faire un lâché de ballons avec des messages écrits dessus
- Faire des lectures : textes connus et inconnus
- Faire des bulles de savon
- Faire écrire les gens dans des cahiers (Cf. pensées nomades)
- Interviewer les gens (micro-trottoir)
- Promotion pour le café littéraire
- Jouer de la musique. Chanter.
- Campagne de sensibilisation sur divers sujets
- Proposez vos idées.
Objectifs :
- Permettre à des artistes de présenter leur travail.
- Promouvoir l’art et la création pluridisciplinaire.
- Promouvoir le partage et la communication, sans distinctions sociales et culturelles.
- Favoriser le contact humain, les rencontres. Vaincre la solitude.
- Permettre à chacun de faire entendre sa propre voix.
- Apporter un peu de chaleur à ceux qui en manque.
- Réenchanter le monde.
- Faire évoluer les mentalités.
- Promouvoir la pensée, l’esprit critique, l’ouverture au monde.
- Apporter un peu de joie. Dynamiser des vies.
- Changer le monde.
Etat d’esprit requis :
- Etre engagé, vouloir faire bouger les choses.
- Etre créatif.
- Etre sensible au monde et aux gens. Aimer les gens. Aimer le partage.
- Avoir un grand cœur.
- Vouloir changer le monde.
- Vouloir la paix. Vouloir aider les autres. Vouloir créer pour soi et pour les autres.
Extension du projet :
- Faire des voyages à travers le monde. Permettre au plus grand nombre de partir, même à ceux qui n’ont pas d’argent.
- Créer des manifestations autres que dans le café. Créer des festivals, des meetings, des rencontres un peu partout en France et ailleurs…
- Faire de l’humanitaire en Afrique…
Si tout ce qui est écrit sur cette feuille fait écho à ce que vous êtes ou à ce que vous voudriez être, écrivez-moi.
Tous ces rêves, je sais que je les réaliserai un jour. Mais pour l’instant, j’ai 19 ans et ma vie est loin de ressembler à tout cela. Mais écrire ces rêves, ces pensées, ces idées, peut-être est-ce déjà les faire exister un peu ?
Souvent, dans le centre-ville d’Avignon, je passe devant un café abandonné qui s’appelle « Le Café Lavoir ». Il est idéalement situé. Rue de la Bonneterie, près de la rue des Teinturiers. Je vois la rue des Teinturiers comme « la rue des artistes ».
Un jour, je passe devant le Café Lavoir. Je dis à mon cousin : « Un jour, j’achèterai cet endroit et je créerai un lieu génial, type café littéraire, une sorte de café-théâtre. »
C’est peut-être ce jour-là que ma fibre entrepreneuriale s’exprime pour la première fois, par des mots.
La légende dit : “Quand je serai grande…”
« Tu n’y arriveras pas, c’est impossible. C’est beaucoup trop cher » me répond Adrien. Du haut de ses 22 ans, qu’en sait-il ?
L’idée est là, elle habite mon esprit. L’histoire du « café-théâtre » commençait. J’en parle à plein de gens autour de moi. Cela a dû marquer quelques esprits, car on s’en souvient encore aujourd’hui. « Tu voulais pas ouvrir un café-théâtre ? » Si, si, je voulais…
Un cinéaste me contacte un jour sur Internet pour m’inviter à la projection de son film sur le Japon. Nous nous rencontrons dans une petite librairie avignonnaise, La Mémoire du Monde. J’ai toujours 19 ans et ce genre d’événements sont comme des aventures pour moi, des aventures qu’on oublie pas. Il s’appelle Yann Kassile.
Un jour, nous prenons un verre chez Ginette et Marcel, place des Corps Saints. Je lui parle du café-théâtre, et… sa réponse me surprend. « Ariane, avec ton niveau intellectuel, tu ne vas pas ouvrir un café… » Je ne comprends pas trop ce qu’il veut dire. Ce n’est pas un simple café, c’est un lieu révolutionnaire génial plein d’amour où je pourrais être heureuse tous les jours, et rendre les gens heureux, intelligents et sensibles.
Une théorie (du grec theorein, « contempler, observer, examiner ») est un ensemble cohérent d’explications, de notions ou d’idées sur un sujet précis. (Wikipédia)
Les mois passent, le café-théâtre reste bien au chaud dans un coin de ma tête, au rayon des rêves qui rendent heureux. Parfois, le futur permet de mieux vivre le présent.
22 avril 2012. Dans quelques jours, le 2 mai, j’aurais 20 ans. Je passe les vacances dans un coin de France avec mes parents, en bord de mer. Cela ne se lit pas sur mon visage, mais je suis en crise.
22.04.2012
(…) La vie en société, comprenant l’acceptation obligatoire et constante du monde des autres, m’épuise très vite. Elle ne permet pas l’introspection, le retour sur soi, le retrait sur les évènements. Le rythme ne le permet pas : le mouvement est perpétuel, les autres sont à tout moment en notre présence. Même quand ils ne sont pas là, ils sont quand même là.
Je peine tant à écrire ce texte. Si vous saviez ! Ah ! Lavez-moi de ma mélancolie, délivrez-moi de ce vague sentiment d’oppression, donnez-moi un état d’esprit harmonieux ! Ma solitude n’est causée que par ma propre absence ; les autres, hélas ! ne me seraient d’aucun secours. Tant de fois j’ai tenté de trouver la consolation dans les mots des autres, dans leurs paroles réconfortantes ; mais qu’ai-je retiré de tout cela ? Une solitude encore plus grande de n’être pas comprise et de ne pas ressentir toute la tendresse d’une présence. J’ai tant besoin de moi-même, tant besoin de faire vivre mon monde, et d’endurcir ce monde pour ne pas me sentir agressée par celui des autres.
Oh lecteur, comme je m’attriste d’écrire des choses si mélancoliques, comme je souffre de ne pouvoir poser un nom sur cette tristesse latente. Ce que j’écris-là n’a nul intérêt, ni pour moi ni pour vous. Je cherche la cohérence, la précision, la fluidité et le cheminement d’une pensée bienfaitrice — et voilà que je ne puis donner autre chose qu’un monologue intérieur désordonné et malheureux. Pardonnez-moi, pardonnez-moi cent fois. Ecrire ces lignes me permet t-il de guérir ? Dois-je persister à les écrire, ou est-il préférable de vaquer à une autre activité ?
Mais aucune activité ne me convient. Lire me donne le mal de mer. Regarder des films me fatigue. Peut-être devrais-je dormir ? Peut-être bien… Je suis si fatiguée, si fatiguée… Qu’aimerais-je que quelqu’un soit en ma compagnie, ici sur cette mezzanine ; ou bien là, dans mon cœur, une présence chaleureuse et réconfortante. Mais je suis seule, de cette solitude laide et détestable dont pas même un chat ne voudrait. Pardonne ma faiblesse, lecteur, pardonne-la… tu es ma seule consolation.
Les mois passent. Entre l’Université, le centre-ville d’Avignon, la maison. Et d’autres endroits, parfois. Les cours, les sorties, des petites péripéties de temps en temps. Des vacances.
Nous sommes des gens calmes.
Je me souviens bien de ces vacances-là, avec Marine, en juin 2012. Nous passons d’agréables moments. Mais quelque chose en moi a toujours cette impression de vivre les scènes de la vie quotidienne depuis un point de vue extérieur, comme si j’étais une caméra. Je ne suis jamais complètement « là ».
Le 2 juillet 2012, j’écris :
Projet post-fac — 2015 (début de la disparition des glaces), après 20 années passées dans des écoles :
Apporter une rose rose à Madame Duckit.
Apporter une rose rose à Christian Bobin.
Aller au Pérou en avion, depuis Roissy.
Du Pérou, aller jusqu’en Patagonie. Soit à pied, soit à vélo. Dépenser le moins d’argent possible.
Passer par les tribus amazoniennes.
Une fois arrivée en Patagonie, aller jusqu’en Terre de Feu.
Faire du kayak sur l’eau froide. Admirer les glaces en pensant qu’elles disparaîtront bientôt. Ecrire.
Sur-vivre.
Se sentir exister.
Les glaces, je commence à les connaître un peu. Lors d’un apéro en ville avec les étudiants de ma promotion, une fille de ma classe vient me parler. Elle est nouvelle. Elle vient de Paris. Une parisienne qui s’habille rétro et qui parle très fort. Un sacré phénomène, cette nana. Attachante. J’ai oublié son prénom.
Elle sait que j’écris. « Tu sais, je connais un éditeur à Paris. J’ai travaillé avec lui l’année dernière. Il s’appelle Emmanuel Hussenet. Il a créé une maison d’édition qui s’appelle Les Cavaliers de L’Orage. Il est explorateur polaire. Contacte-le de ma part, et envoie-lui tes textes. »
Ni une ni deux, je m’exécute. Emmanuel aime ce que j’écris. En quelques échanges électroniques, un lien se crée. L’idée de publier un livre dans la tradition littéraire du « journal intime chronologique » fait son petit bonhomme de chemin. Quelques années plus tôt — j’étais encore lycéenne — une étudiante en Master m’avait contacté pour faire une analyse comparée de mon blog et du journal intime d’une jeune fille décédée en 1985, Ariane Grimm. J’avais pu rencontrer sa maman, Gisèle Grimm, une ancienne actrice. Et me relier à l’Association Pour l’Autobiographie (APA), créée par Philippe Lejeune.
Wikipédia : « Gisèle Grimm est une actrice française, née Gisèle Paule Klavatz à Paris, le 31 mars 1929. Elle est la mère de la jeune diariste Ariane Grimm (1967–1985) dont les premiers écrits et le journal ont été portés à la connaissance du public scientifique par l’étude et les articles de Philippe Lejeune, spécialiste de l’autobiographie. »
Emmanuel a des projets fous. Nous sommes toujours en 2012, il est en train de monter un grand projet autour de l’île Hans, un petit bout de terre dans l’Arctique, que la Norvège et le Canada se dispute. Il souhaite en faire une terre qui n’appartient à personne (ou à tout le monde). Je suis l’affaire de très près, j’apporte ma pierre à l’édifice comme je peux depuis Avignon. Je ne sais pas trop vers quoi je vais dans la vie, mais voilà des choses qui captent mon attention, où j’ai envie de mettre mon énergie. Je commande sur Internet un de ses derniers livres, Le Testament des Glaces, qui me marque beaucoup.
C’est à Venise, en juillet 2012, que je le lirai.
« Il existe cependant des jeunes gens qui n’ont pas renoncé au grand voyage vers soi. Ils oublient le confort matériel, s’échappent et prennent la route. Ils marchent, pédalent, chevauchent ou naviguent. Ils connaissent le nom de leur destination mais ignorent ce qu’ils rencontreront en chemin. Ils n’emportent avec eux qui le strict nécessaire afin de glaner le plus d’émotions possibles, mais avant tout ils se veulent libres, sans choses, sans murs, sans règles sinon celles que leur impose leur conscience. Ils ne regrettent rien, même quand les journées sont rudes. Ils se sentent exister. Au contact de la nature, ils acquièrent une conscience plus dynamique, et comptent bien, au fil de leurs rencontres, donner une image positive d’eux-mêmes, contribution notoire à la pacification du monde. C’est qu’un chemin ouvert appelle d’autres pas pour l’entretenir, d’autres pas pour relayer le tissage patient des liens.
Pour aider à traverser les épreuves de l’existence, il y avait l’art, le voyage, la création. Aujourd’hui qu’au moindre malaise l’individu est poussé à gratter son ego, on oublie que les crises à surmonter ne sont pas des maladies ou des handicaps, mais des appels à se dépasser, à se projeter vers l’extérieur et à servir le monde. Toute blessure, toute solitude peut trouver apaisement dans la beauté. Etre aventurier c’est user de ses souffrances pour partir à la conquête de plus grand que soi, c’est explorer.
Ex-plorer : aller hors de soi. A l’opposé de la tendance contemporaine qui irait à retourner sans cesse sur soi, pour im-plorer. »
Emmanuel Hussenet, le Testament des Glaces.
15 juillet 2012.
« T’es venue toute seule aujourd’hui ? » me dit le serveur du bar du Rocher des Doms. Cela fait un moment que je ne suis pas venue et pourtant il se souvient de moi. Il faut croire que je suis bel et bien inscrite au rang des habitués.J’ai l’impression de marcher indéfiniment sur mes propres traces. Cette table, là, ça fait deux ans que je m’y installe pour tenter d’écrire en regardant les canards (et les gens). Deux ans, déjà. Je n’ai pas vu passer les deux années de fac.
C’est une drôle de sensation que j’éprouve en ce moment. Pas vraiment de nostalgie ni de mélancolie. Une impression de vide. Je sais que cela fait plusieurs années que je parle de cette impression de vide, et qu’il serait de mon devoir d’y mettre un terme radical. Ce n’est pas qu’un problème d’action, vous savez. Je peux multiplier les actions et ça n’y changerait rien. Non, le problème est ailleurs. C’est un problème d’émotion. En réalité rien ne m’émeut. Voici le problème : rien ne m’émeut. Parfois je me demande : Faut-il préférer la souffrance — qui est une émotion — ou ce sentiment de ne rien ressentir ? Rien ne me pousse à l’écriture. Je regarde les canards se dandiner et je ne ressens rien. C’est pourquoi j’éprouve de l’ennui. Je m’ennuie.
Non parce que je ne fais rien mais parce que les choses que je fais ne me touchent ni ne m’inspirent. C’est très désagréable.
Alors j’erre. Personne ne peut être plus disponible que moi. J’attends, par je ne sais quel évènement, qu’un univers s’empare de moi. Où aller ? Je n’en sais rien. Je suis coincée ici, dans cette tension terrible de non écriture. Je suis hors de tout. Rien ne m’entraîne dans un monde. Ni livre, ni film, ni tableau, ni pensées, ni idées, ni individu, ni situation. Rien, nada, nothing. Rien ne m’accapare. J’écris à côté, en dehors.
Mieux vaut alors ne pas écrire du tout que d’écrire à moitié.
Dans un mois je serai libérée, heureusement. La vie reprendra son cours émotif.
J’aimerais rencontrer des gens, mais les rencontrer vraiment, leur parler vraiment. Ma rencontre avec Yann Kassile était une vraie rencontre. A la fin de notre dîner, j’avais l’impression de connaître quelqu’un. D’être entrée dans l’essence même de ce qu’il était. Je ne l’ai jamais revu.
Il y a des gens que l’on ne connaît pas même au bout de plusieurs rendez-vous. Une distance demeure et ne se brise parfois jamais.
Une rencontre est parfois le fruit de deux solitudes. Yann Kassile m’aurait-il invité à dîner s’il n’avait pas eu besoin de parler à quelqu’un ce soir-là ? Et moi j’étais là, là par hasard, là pour rien — disponible malgré moi. Rien ne m’attendait ce soir-là.
« Arrête de réfléchir, ça fume ! » me dit le serveur. Je souris. Et pourtant je ne réfléchis pas. J’essaie de penser. Tout simplement.
La chaise vide en face de moi. Solitude. Solitude à la fête, solitude au bar. Je rêve que quelqu’un débarque et vienne me dire : « Allons-y. Il est temps de vivre. »
Mais l’avenir s’annonce délicieux alors je ne désespère pas.
Si je devais résumer ma vie en ce moment je citerai cette phrase sublime de Céline :
« On est demeurés là, assis, ravis, à regarder les dames du café. »
J’aime profondément cette phrase. La façon dont moi je l’entends, la façon dont elle résonne quand je la pense. C’est une phrase très forte. Une phrase qui claque.
En août, je pars en colonie de vacances. Je fais un road-trip au nord des Etats-Unis et au Canada. Avant mon départ, quelques jours à Avignon entre deux départs en vacances, je vois Rodolphe. Un garçon qui est en première année de Lettres Modernes, dans la promotion juste en-dessous de la mienne. Il a redoublé sa première année.
Conversation capitale. C’est un rêveur, comme moi. Un rêveur qui rêve, qui mélancolise et qui s’ennuie.
Un jour, je tombe sur une page Facebook qui s’appelle “Et si ?”. C’est celle de Rodolphe, un garçon qui est en Lettres, lui aussi, dans mon université. Nous commençons à échanger sur Messenger. Je ressens toute la sensibilité du jeune homme. Nous devenons amis.
Ce jour-là, nous sommes au café place Pie, en terrasse, au Pie Kafé. Moment capital. Instant capital, déterminant. Il y a de l’enjeu ! Nous sommes en train de décider de monter une association ensemble. L’idée fait son chemin. Quel nom ? C’est près de la place des Corps Saints que le nom émergera. Je suis avec mon amie Irina, et elle sort : “La Vague”. Allez ! C’est vendu. En septembre, l’affaire commencera, et ça sera une affaire avec toute notre classe.
Jeudi 9 août 2012. 21h30.
Nous voici tous autour de la table en train de faire des pâtes carbonara (réalisation un peu laborieuse). Nous avons passé un instant à la piscine, et allons bientôt partir de nouveau pour les chutes du Niagara.
La journée d’hier fut un peu difficile. Vincent a fait un malaise la veille et a dû retourner chez le médecin le matin. Nous ne sommes donc pas partis à 8h comme prévu. Vincent part avec Nancy, nous restons au campement, bien sages, patients. Les demi-heures passent, puis les heures. Toujours pas de Vincent à l’horizon. Nous jouons au ballon, dormons dans l’herbe. J’ai commencé à lire la Faim du Tigre de Barjavel. Je ne pense à rien de précis. Je crois que mon problème d’écriture est tout simple : je suis trop « avec » les autres pour arriver à me concentrer sur mon état intérieur, sur ce que je pense et ressens au fond de moi. Je ne pense pas, je vis ce voyage doux comme une vague. Je le vis sans pensées, sans réflexions. Je n’ai rien à dire qui se présente comme une urgence. Cela me fait un peu penser à cette chanson de Gérard Manset :
« Et c’est une vie sans mystères
Qui se passe de commentaires
Pendant des journées entières
Il chante la Terre. »
Oui, cette vie ici est sans mystères et se passe de commentaires. Mais elle est belle, et ô combien.
Une heure, deux heures, trois heures et Vincent n’est toujours pas rentré. Les heures passent a une vitesse incroyable. Nous mangeons nos délicieux sandwichs préparés par nos soins comme chaque matin. Il est déjà midi. A 14h Vincent arrive finalement. Nous partons enfin, direction Ottawa.
Le trajet en van est particulièrement long. Une similitude avec la Transamerica Sud : je suis assise à la même place, tout devant, côté fenêtre. A côté de moi, un autre garçon. Ce n’est pas Alexandre, cette fois. C’est Kevin. Un dessinateur, lui aussi.
Nancy nous a donné des feutres pour écrire sur les vitres. Je me régale à exprimer mes talents de dessinatrice refoulée. Je dessine le van roulant sur une route sinueuse vers un grand soleil. Autour j’écris des citations que j’aime et que je connais par cœur : « Ces beaux navires… » (Baudelaire), « La Vérité est Beauté… » (John Keats), « Tous les vampires arrivent… » (Tom Perry).
Dans le van la musique de mon Ipod éveille nos talents de chanteurs. Nous passons de Walt Disney à Marilyn Manson. Ce contraste musical est formidable.
Nous arrivons à Ottawa — capitale du Canada — vers 21h et faisons une visite rapide. Des buildings partout dans la noirceur de la nuit ; le Parlement éclairé au centre d’une grande place. Un spectacle sons et lumières célébrant la grandeur du Canada est projeté dessus. Les couleurs et les scènes s’entremêlent entre elles. C’est très beau.
Des vagues furent représentées à un moment du show. J’ai eu une pensée pour la Vague. La Vague. Oui, laissez-moi vous parler de la Vague. A la rentrée ma vie va changer. Elle va être transformée par la Vague. Nous allons créer une association avec Rodolphe. C’est la première fois de ma vie que j’attends septembre avec tant d’impatience. Je veux donner mon temps, mon énergie et ma vie à la Vague. Nous allons rassembler des artistes et des personnes créatives, organiser des rencontres, des débats, des happenings ; réaliser une pièce de théâtre, un journal, des films. A la rentrée je voudrais organiser la cérémonie d’ouverture à l’Université, et passer avant dans certains lieux (lycées, université populaire, Conservatoire…) pour présenter notre projet et faire venir du monde à la cérémonie (apéro offert par nos soins). J’ai hâte de vivre tout cela, toute cette effervescence avec mes amis de la fac. J’ai vraiment hâte.
Nous sommes rentrés vers 23h au camping après un bref passage à Ottawa. Nuit.
Dans la colo, je raconte que je vais créer une asso à la rentrée. Je suis hyper fière, et tout le monde dans la colo trouve ça génial.
Septembre 2012. C’est la rentrée ! Rodolphe s’occupe de toute l’administration pour créer l’asso. On organise une première cérémonie d’ouverture qui a lieu dans le grand amphithéâtre de l’Université. Puis une première soirée chez Irina et Vanda, mes amies et camarades de classe roumaines. Monsieur Donné, notre professeur d’histoire littéraire du XVII ème siècle sera là. Recevoir nos profs à la maison ? Cela relève de l’incroyable !
Quelques jours avant le 24 octobre 2012.
Voilà. Dans quelques jours je vais devoir prendre la parole devant un public venu exclusivement pour écouter ce que j’aurais à dire. Je n’ai aucune idée du nombre de personnes qu’il y aura. Tout est possible. Trente, cinquante, cent ? Je ne connaîtrais sûrement pas la moitié de ces gens. Et je vais devoir parler. Je vais devoir discourir.
Que dire ? J’éprouve une panique relativement intense. Il faut être partout, sur tous les fronts : collage d’affiches, contact avec les lycées, contact avec la presse, passage dans les classes, photos à prendre pour la presse, préparation du discours dans l’amphi 3. Il faut penser à tout, à chaque moment. Cette semaine est la dernière. Il ne faut pas perdre une seule seconde, il ne faut rien oublier, il ne faut rien laisser de côté. Tout doit être parfait.
J’ai rêvé ce moment durant toute mon adolescence. J’ai rêvé de parler devant un public pour partager des idées, pour partager une part de moi-même. Et voilà que cet instant approche et que je le redoute plus que tout. J’ai peur. Je ne suis pas à l’aise à l’oral. Je ne sais pas parler. Je ne sais pas bien parler.
Mais je n’ai pas le choix. Le 24 octobre, à 18h30, nous serons-là, sur cette estrade, derrière ce bureau, Rodolphe et moi. Nous parlerons. Nous dirons, nous dirons La Vague. Et nous serons écoutés.
Nous serons écoutés.
Une deuxième soirée sera organisée chez Albane. Je suis heureuse de ces moments vécus, mais en réalité… je ne vis pas ce que j’aurais aimé vivre. “L’ambiance” que je recherche, je ne la trouve pas dans ces deux soirées. Je repense à ce que me disait Yann Kassile quelques mois plus tôt. Peut-être que dans mon café-théâtre du futur, je ne trouverai pas non plus l’ambiance que je recherche.
Le 8 novembre, une dame qui participera à la toute première rencontre de La Vague (avant les deux soirées chez Irina et Albane) nous envoie une vidéo sur l’adresse mail de l’association. Elle s’appelle Natalia, elle est artiste.
7 novembre 2012
Chers amis,
Au cours des dernières semaines, vous avez manifesté un intérêt pour notre association, La Vague.
Vendredi 16 novembre, à 20 heures, nous organisons la première rencontre de La Vague, à la librairie Lignes Noires (1 rue Louis Pasteur, extramuros à Avignon, non loin de l’Université ; http://fr.mappy.com/#d=1+rue+louis+pasteur+avignon&p=map).
Nous vous invitons à nous rejoindre pour vous présenter, partager ce que vous faites, discuter ensemble autour de nombreux sujets et d’un apéro-dinatoire.
Merci de nous informer si vous participerez ou non à cette première rencontre.
Bien à vous,
Ariane et Rodolphe.
***
8 novembre 2012.
Bonsoir Ariane et Rodolphe,
merci de l’information à laquelle je réponds positivement et pour honorer votre initiative voici quelque chose que peut-être vous connaissez sinon j’en suis sûre vous plaira :
http://www.youtube.com/watch?v=bdKkrxOFGRg
Bonne soirée
natalia
***
10 novembre 2012
Merci beaucoup Natalia pour la vidéo, je ne connaissais pas du tout Mathieu Baudin… C’est un très beau texte qui me semble coordonner tout à fait avec l’esprit de La Vague.
A bientôt,
Ariane.
PS : Il y a une petite erreur dans le mail précédent, la Librairie Lignes Noires se trouve bien intramuros et non extramuros.
Cette dame sera effectivement présente à la librairie Lignes Noires le 16 novembre. J’ai le souvenir d’une dame âgée d’une quarantaine d’année, très enthousiaste, qui nous dit que ce que nous faisons est superbe. Ce petit mail, l’air de rien, va orienter mon existence pour les 8 années à venir.
Mathieu Baudin ? Pas entendu parler. En vérité, son TEDx n’est en ligne que depuis une semaine. Mathieu vient de créer l’Institut des Futurs Souhaitables cette année, 2012, l’année de la prophétie Maya. TEDx ? Je ne connais pas non plus.
En l’espace de quelques minutes, tout un nouvel écosystème s’ouvre à moi.
10 novembre 2012
J’ai acheté un livre de Joël de Rosnay il y a quelques mois. Il s’intitule « Surfer la vie » et traite de cette nouvelle relation à la société. J’ai acheté ce livre par pur hasard, comme si quelque chose me poussait à l’acheter. Ce titre m’a plu et m’a évoqué La Vague.
Le TEDx de Mathieu me parle. Pour la première fois, j’entends parler des “Créatifs Culturels”. Les Créatifs Culturels ? Je fais quelques recherches sur le web.
Les mois passent, et mon enthousiasme pour le projet initial de La Vague commence à baisser. L’énergie est là sans être là, et je sens que Rodolphe commence à se désengager, à ne plus vraiment être présent. Mais j’ai une asso, alors autant en profiter pour faire des trucs fous ! De mon côté, je mets en place plusieurs événements dans l’Université. Nous sommes maintenant en 2013. Je colle des enveloppes customisées sur les murs et les surfaces de l’Université. J’organise une vente de crêpes le 14 février pour la Saint-Valentin. Je crée une scène ouverte pour le Printemps des Poètes le 21 mars.
Et ce jour-là, l’envie me prend de recopier le texte de Mathieu et de le lire devant tout le monde.
Le jour de la scène ouverte du 21 mars 2013, un garçon est là. Il s’appelle Thomas. Thomas Viens. Thomas est chanteur et musicien. Quelques jours avant la scène ouverte, il me contacte. « Je peux venir avec mon groupe ? » me demande t-il. Son groupe, c’est la Caravane Namasté. J’accepte.
Entre deux concerts, on prend un verre à la cafète. Bim, bam, boum ! Des idées jaillissent. Je sens chez Thomas un élan de vie puissant, un dynamisme à couper le souffle, une pêche incroyable. Il a écouté mon TEDx, enfin… Le TEDx de Mathieu à travers moi. On discute, et puis… l’idée du festival La Conspiration Positive commence à éclore doucement, mais… très sûrement !
11 mai 2013
L’évènement du 15 juin [La Conspiration Positive] n’aura pas lieu. Il n’aura lieu ni le 15, ni le 16, ni le 22 juin. Il n’aura pas lieu. La mairie n’y est pas favorable pour diverses raisons, et le temps m’est trop court pour riposter.Je ne me sens pas triste. Je sais que cet évènement, tel que je le conçois, aura lieu un jour ou l’autre, qu’importe la date et qu’importe l’endroit. J’irai même jusqu’à dire que son report me rassure. Organiser un évènement pareil en un temps si court me semblait de plus en plus irréaliste. Je dois prendre le temps de bien faire les choses.
Une chose est sûre, cet évènement qui n’aura pas lieu est le début d’une longue aventure. Je peux faire les choses. Je peux faire des choses qui auront un impact sur dix, vingt, cinquante, cent cinquante personnes, et dans lesquelles je donne tout de moi, de mon énergie et de ma passion. Il ne tient qu’à moi d’insuffler le souffle de l’« action — création ».
Mon idée de départ était bien éloignée de celle d’aujourd’hui. Il était question au début d’une sorte de grand happening, avec un ballet, une table digne du Chapelier Fou, du chant, de la musique. Peut-être aurais-je dû me contenter de cela ? Mais quel sens aurais-je donné à ce moment qui n’aurait pas duré plus de vingt minutes ?
Puis il fut question d’une trame. Je voulais mettre une narration dans ce tableau. J’ai commencé à réfléchir, à noter des idées — à être heureuse de ces idées ! –, et de fil en aiguilles, ce fil narratif s’est transformé en pièce de théâtre. J’ai écrit une pièce dans laquelle j’ai incorporé un grand nombre de textes d’auteurs — Rimbaud, Cendrars, Tesson, Bunyan, Baudelaire… Philosophie du voyage et de l’esprit d’aventure. Toujours.
La bascule d’une idée vers une autre s’est faite de façon si fluide que ce changement ne m’a pas particulièrement frappé.
Le 21 mars il y a eu la scène d’expression libre à l’Université. Cet évènement a eu une influence considérable sur l’évènement du 15 juin. J’ai rencontré Thomas Viens, chanteur-créateur-parolier de la Caravane Namasté. Nous avions échangé quelques messages il y a trois ou quatre ans de ça, aux débuts de la Caravane. Cette bande de jeunes hippies qui voulaient changer le monde me plaisait beaucoup. Le temps passa et la Caravane s’était enfouie quelque part dans la chambre de mes souvenirs.
J’ai été épatée par la qualité des textes, de la musique, des chansons. Et cette énergie, ce message, cette présence scénique, cette envie de faire bouger les choses !
Thomas et moi avons discuté de l’évènement du 15 juin. Les idées fusèrent à la vitesse de la lumière. Quelque chose de nouveau venait de se créer.
Beauté ! Il y aurait ma pièce de théâtre, un débat !, un concert de la Caravane Namasté, et un bal traditionnel avec buffet et projections de photographies sur le Palais des Papes. Des idées connexes furent ajoutées : yoga du rire, atelier cuisine, toile géante pour peindre et écrire. Deux utopistes, idéalistes et optimistes ne peuvent faire que des folies, et donc des miracles.
Beauté de nos idées, beauté de nos âmes, beauté de ce grand évènement. Ma rencontre avec Thomas fut une grande et belle rencontre, une rencontre importante, une rencontre qui modifie le regard sur la vie et qui ouvre de nouveaux horizons.
J’ai trouvé des comédiens pour la pièce. J’ai contacté Marc Vella et Alexandre Poussin pour le débat. J’ai passé cinquante coups de téléphone au Comité des Fêtes d’Avignon, à Thomas et à mes comédiens. J’ai réfléchis longuement aux moindres petits détails, à la disposition de mes trois tables qui formeraient un U et qui seraient décorées à la manière d’Alice au Pays des Merveilles. Tout.
Le temps m’a rattrapé et je ne suis pas triste. Je suis heureuse d’avoir accompli toutes ces choses, même si elles n’aboutissent pas immédiatement. Cette pièce de théâtre aura lieu, tout comme ce débat, ce concert et ce bal !
Laure m’a offert un livre pour mon anniversaire : « L’aventure, pour quoi faire ? ». C’est un manifeste de plusieurs auteurs. A y réfléchir, voilà le véritable thème de cette manifestation : l’esprit d’aventure. Voilà le mot que je veux entretenir dans ma vie, voilà le mot qui me correspond le plus profondément, avec toute la richesse des sens qu’il recouvre.
Esprit d’aventure, esprit d’initiative, esprit d’engagement.
Esprit, état d’esprit, état de l’esprit.
J’aime à croire que quelques mots peuvent suffirent à résumer l’essence d’une existence. Des mots, rien d’autres que des mots lâchés sur le bitume ; ni phrases, ni idées, ni concepts : des mots. Des mots derrières lesquels se cachent des imaginaires entiers, des mythologies lointaines, des histoires vieilles de plus de cinq mille ans. Des mots simples qui nous font nous souvenir. Des mots simples qui dans la tempête resurgissent et nous rappellent à l’ordre, à notre ordre, comme les phares montrent leurs routes aux marins. Si je tombe, rappelez-moi le mot « aventure », et je me relèverais.
L’aventure n’est pas celle que l’on nous vend dans les magazines de l’extrême. Il n’y a pas d’« aventure » à proprement parler, il n’y a que des esprits d’aventure. C’est dans la tête que ça se passe, ou plutôt dans les yeux. L’aventure est potentiellement à chaque nouveau coin de rue pour qui est possédé par son esprit. Je marchais l’autre jour dans les rues d’Avignon, quand tout à coup j’ai croisé le directeur de mon lycée. Je l’ai suivi durant quelques minutes, habitée par la curiosité soudaine de savoir où il allait. J’avançais à la fois discrètement et brusquement, et n’ayant pas été assez rapide, j’ai perdu son chemin. Pendant ces quelques minutes, ma perception de l’espace et des enjeux de l’instant furent changés du tout au tout : la jeune fille en balade citadine était devenue enquêtrice d’un haut personnage.
C’est le regard qui change tout, et qui transforme les émotions éprouvées. Combien de touristes ronflants en quête d’exotisme se retrouvent au bout de l’ennui dans le bush australien ou dans la taïga sibérienne ? Les cordes des sentiments ne vibrent pas toujours, même au bout du monde ; et le bout du monde, pour peu que l’on y retrouve ses propres traces, est parfois triste à pleurer.
L’aventure est découverte, inconnu, prise de risque, grand plongeon vers le je-ne-sais-quoi qui est tout le sel de la vie. L’aventure est transformation de l’esprit, du cœur et du regard.
J’étais à la cafétéria un jour avec Thomas. Il m’a dit cette phrase : « Ce type sur son ordinateur, il a autant de chance d’atteindre l’Eveil que le type qui a médité cinquante ans dans sa montagne. » Je crois que c’est vrai. La grandeur des actes est parfois une posture, une image trompeuse. Seul ce qui se construit à l’intérieur de nous-même, et que personne ne peut voir, donne la véritable valeur des actes, aussi petits peuvent-ils paraître.
Tout l’évènement du 15 juin, placé sous le signe de la « conspiration positive », respire l’esprit d’aventure.
La pièce est une ode à l’aventure. Elle se nomme « Seules les traces font rêver ». Laissez-moi vous la raconter.
Elise est une jeune fille de vingt ans qui est lasse des études et s’interroge sur son avenir et sur le sens de sa vie. Son petit ami, Léon, qu’elle connaît depuis l’enfance, n’est pas du tout un aventurier et aspire à une vie « posée ». Après une conversation, elle décide de partir et promet à Léon de lui écrire des lettres. Elle erre d’abord seule, elle marche, ne sachant guère ou aller, implorant les étoiles. Au fil du voyage elle fait la rencontre d’un écrivain-voyageur. Il lui raconte sa vie, jusqu’à ce qu’ils fassent la rencontre fortuite d’un peintre, seul dans sa maison en forêt. Ils entrent et prennent le thé ensemble. Ils discutent et partagent leur vision de la vie, opposée et similaire à la fois, ainsi que leur rapport à l’art. Le peintre vit l’aventure immobile ; l’écrivain-voyageur ne conçoit que l’éternel mouvement. Deux révolutionnaires à leur façon.
La pièce s’achève sur une lettre d’Elise à Léon. Elle raconte cette histoire vécue et en tire des conclusions : peut-être la vie est-elle seulement une suite d’instant, de fragments, qu’il faut vivre le plus pleinement sans vouloir tracer un chemin ?
Notre débat devait réunir plusieurs personnes, connues et inconnues, ayant un parcours de vie marqué par le voyage et l’aventure. La question posée était celle-ci : « Quel sens donner à l’aventure ? Qu’entend t-on par là ? ». J’aurais très bien pu m’en tenir au titre du livre : « L’aventure, pour quoi faire ? ».
Les spectateurs seraient autour, assis sur des tables et des canapés, dans un univers doux et convivial. Ils pourraient participer au débat, et boire le thé en même temps.
Le concert était lui aussi marqué par cet esprit d’aventure. Les paroles parlent d’elles-mêmes.
Et le bal traditionnel, en quoi s’incarne t-il dans cette philosophie ? Nous le voyons comme une « célébration de la vie ». Aventure de la rencontre inattendue, peut-être ? Aventure d’honorer l’existence sur une place prestigieuse, là où jamais tel évènement n’a été proposé. Exaltation du sentiment de vivre.
Et aventure, enfin, de toute la création de cette journée hors du commun.
***
Mademoiselle,
J’ai bien reçu votre courrier qui a retenue toute mon attention sur votre performance artistique sur la place du Palais des Papes.
J’ai le regret de vous informer que je ne peux donner une suite favorable à votre requête. Néanmoins, je demande à mes services de conserver votre proposition.
Si toutefois une opportunité se présentait, je ne manquerais pas de vous solliciter.
Je vous prie de croire, Mademoiselle, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs.
Pour le maire,
Le conseiller municipal délégué,
Aimé Gallo.
Nous sommes en mai 2013, je viens tout juste d’avoir 21 ans, le 2 mai. La journée “La Conspiration Positive” que je voulais organiser au Palais des Papes ne pourra pas avoir lieu. Je reporte pour l’été suivant. Toute mon année scolaire 2013–2014 va être consacrée à la création de cet événement, qui devient un festival de 6 jours. Je suis cette année en Master 1 à l’Université Paul Valéry, en Littérature Comparée, et cela tombe bien… j’ai beaucoup de temps libre !
Un an plus tard, autour du 20 juin 2014, le festival a lieu. J’ai 22 ans. Un moment fort. L’aboutissement de plusieurs années de réflexion, depuis… le 8 novembre 2012.
“Quel plaisir de se sentir dans l’ère du temps… et pas n’importe lequel puisque c’est celui qui vient…
Ariane sois-en sûre,
le meilleur est Avenir.”
Mathieu Baudin dans le cahier de pensées nomades.
“Pour Ariane,
Avec ma gratitude pour son engagement et toute mon amitié.”
Pierre Rabhi dans le cahier de pensées nomades.
Deux mois plus tard, je retrouve Mathieu dans un tout autre contexte, à la Halle Pajol, à Paris. J’ai été sélectionnée dans un programme qui s’appelle Ticket for Change. Coup de chance ? Dans ma candidature, je précise que je connais Mathieu, mais aussi… Pierre Rabhi.
Ca y est. Le fil de ma vie se dessine d’une manière de plus en plus claire. En 2015, je termine mes études avec un stage chez TEDxParis et un mémoire sur les Créatifs Culturels.
Ce mémoire deviendra mon tout premier livre publié. Fierté immense.
Maintenant, ma vie “de grande” commence. Que faire ? Continuer dans la même voie, c’est sûr. De rencontres en rencontres, je me retrouve candidate aux élections présidentielles face à Charlotte Marchandise et lance Un Monde Réenchanté, que je considère alors comme le projet de ma vie. J’ai 24 ans.