Ennemi public numéro 1

Ariane Vitalis
3 min readJan 22, 2021

--

Ce matin-là, Alicia se réveilla en sursaut. Ce n’était pas la première fois qu’un rêve venait la troubler.
On venait d’élire le nouveau président de la première puissance mondiale. Un spectacle grandiose. Dans le ciel, un nuage dans la brume se transforma en un nœud de cordes. Ces cordes que l’on utilise pour… la pendaison.
C’est sur ces images qu’Alicia ouvrit les yeux. Elle n’était pas aux Etats-Unis mais bien dans sa petite chambre parisienne. Elle fit l’effort de se souvenir du rêve d’avant, ne serait-ce que pour quelques instants. Un homme à l’écharpe #rouge la tenait tendrement dans ses bras.
Elle prit sa douche et se dépêcha d’aller faire quelques courses. Dehors, le ciel était bleu. Mais elle resta chez elle, devant son ordinateur, à penser à ces deux rêves qui paraissaient plus vrais que la réalité.

C’est aux Etats-Unis que les problèmes commenceraient. Elle en était convaincue. Dans son petit appartement parisien, des montagnes de livres s’empilaient dans des placards, couloirs, étagères. Elle était la jeune fille la plus savante du pays et devint, dans le plus grand des secrets, l’ennemi public numéro 1.

C’est souvent qu’elle se réveillait en sueur après des rêves tortueux. Ces rêves étaient comme des messages qui apportaient des informations importantes. Certains étaient heureux et annonçaient une journée douce. D’autres semblaient porter l’empreinte du diable, brouillant son esprit. Mais elle se savait plus forte que le Diable lui-même.
Ce matin-là, le goût du nœud de cordes la fit tressaillir. La chasse à l’homme avait commencé en Occident. D’immenses ordinateurs quantiques recherchaient Alicia, via un système très perfectionné d’analyse des mégadonnées. Les écrits restent, les paroles s’envolent.

“J’ai fait un rêve. C’était la fin du monde.”

Chaque journée de la vie d’Alicia était d’une intensité qu’elle ne connaissait pas auparavant. Pourtant, elle n’allait pas courir de marathon, non. Elle restait là, chez elle, à gérer un package d’informations comme on gère des kilos de marchandises. Sa survie en dépendait.
Chaque nouvelle information prenait l’allure d’une compréhension, d’une prise de conscience profonde, toutes nécessaires pour envisager l’avenir inédit dans lequel elle se propulsait malgré elle. Elle aimait utiliser le mot de “destin”.

Elle ne savait pas vers quoi sa vie avançait. Elle savait seulement que le monde était en danger et qu’elle était l’une des personnes les plus aptes à répondre de manière adéquate à la crise qui arrivait, grondante, comme une vague fracassante s’échouant sur le récif.
Parfois elle pleurait, perdant de vue le sens du manège. D’autres fois, elle imaginait que la vie la guidait vers un chemin de promesses, au coeur d’une Avalon mythique, pays de la jeunesse éternelle et de l’éternelle santé, où l’on ignore la mort et où les fruits sont toujours mûrs.
Sa vie n’était plus qu’une longue attente, une longue espérance d’un Paradis Perdu dont on se demandait s’il était bien raisonnable d’y croire. Plus rien autour ne l’intéressait vraiment. La quête du Graal était sa seule occupation.

Lorsque ses songes étaient heureux, elle voyait apparaître un grand ange qui lui murmurait : J’effacerai tes larmes pour toujours.

--

--

No responses yet